vendredi, août 4

Reflexions sur l'actualité en ligne (2)

Je poursuis les quelques idées que j'ai lancées dans mon précédent post. Pour bien comprendre celui-ci, je crois qu'il me faut d'abord préciser les objectifs que je fixerais, en tant que lecteur, au site d'actualités du futur.

Il me semble tout d'abord que le journalisme moderne doive éviter quelques écueils dans lesquels il tombe assez souvent.

- l'ethnocentrisme exacerbé : les informations sont triées et traitées sous le seul le prisme des références culturelles de son public. Si la culture du public est bien sûr un facteur à prendre en compte pour capter son adhésion, l'information dans sa diversité et les analyses dans leur pertinence sont affaiblies lorsque sont oubliés les points de vue culturellement extrêmement divers de notre village mondial.

- le suivisme : phénomène particulièrement bien décrit par Daniel Schneiderman dans "le cauchemar médiatique". Il est une famille de journalistes qui semblent sans cesse se marquer à la culotte : "je dois parler de ce sujet parce que ça intéresse les gens. Pourquoi ça les intéresse ? Parce que mon confrère en a parlé !". De ce fait, on assiste au double phénomène "emballement/omerta" médiatique : certains sujets sont injustement surreprésentés tandis que d'autres sont purement et simplement passés sous silence (jusqu'à ce qu'ils ressortent de façon soudaine).

- le clientèlisme : qui consiste à suivre le public plutôt qu'à le guider dans l'univers de l'information. C'est une dérive commerciale aussi dangereuse que naturelle et il faut une identité très forte pour s'en détacher.

- le monocordisme : un phénomène bien connu des JT où toutes les informations se mettent à avoir la même saveur, celle de la dépêche prémachée. Pas de reformulation, pas de prise de recul, pas de mise en perspective... et le lecteur en vient à ne plus s'intéresser qu'aux pages sport, seules à tenter d'avoir un ton différent.

- la prime à la dernière dépêche : la fraîcheur de l'information prend un poids disproportioné dans l'importance du traitement de celle-ci... mais le public n'a ni de rappel des épisodes précédents ni l'ébauche d'une analyse qui lui permettrait de comprendre l'information présentée. On aboutit à des contenus incompréhensibles : personne de mon entourage proche n'est capable de me dire ce qui se passe vraiment au Darfour... mais tous savent qu'on en parle de temps en temps !

- le trop-plein : comme on traite tout très vite, on peut traiter beaucoup, au risque de devenir indigeste. Le raisonnement menant à ce défaut étant "En évitant d'être trop sélectif, on multiplie les chances d'avoir un sujet qui capte l'attention".

Conclusion...
le vrai bon site d'actu (si le web, fut-il 2.0, voulait donner l'exemple) serait donc d'après moi :

- sélectif : il ferait de vrais choix éditoriaux pour ses lecteurs (qui pourraient malgré tout peser dans les choix en question afin de modérer le pouvoir de l'équipe éditoriale)... les robots et le moteur de recherche permettant quant à eux de répondre aux lecteurs en attente d'une information précise.

- pédagogique : il ordonnancerait et relierait les informations utiles à la compréhension d'un sujet donné (ça semble être la moindre des choses dans un système hypertexte !). On peut aussi imaginer un espace permettant de poser des questions aux journalistes afin d'établir des sortes de FAQ sur les différents points de l'actualité.

- attrayant dans sa forme : le paysage est tellement uniforme qu'un peu d'imagination dans la présentation et quelques efforts dans le style (c'est à dire mieux que la paraphrase d'agence de presse) suffiraient à sortir les lecteurs de leur torpeur.

- long-termiste : il renoncerait aux petits profits du scoop pour prendre le temps de devenir un prescripteur d'information de confiance.

- large d'esprit : afin de confronter les analyses, les opinions politiques, les approches culturelles sans a priori.


Alors, facile ?

1 commentaire:

Jean-Marie Le Ray a dit…

Salut JB,

Eh bien dis donc, ça c'est du billet ! Comme le précédent. Et du contenu ! À méditer. Longuement.
Jean-Marie